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Reparlons de FOXP2, le gène de la parole

Auteur : Yvic
FOXP2, le bien nommé gène de la parole fait reparler de lui.
Il y a quelques années, on avait découvert chez des familles dont des membres avaient des problèmes d’articulation qu’un gène nommé FOXP2 était muté, ce qui avait précipité sa nomination de gène de la parole. Ce qui n’a rien arrangé, ce [suite…]

Auteur : Yvic

pbb_protein_foxp2_image.1259102425.jpgFOXP2, le bien nommé gène de la parole fait reparler de lui.

Il y a quelques années, on avait découvert chez des familles dont des membres avaient des problèmes d’articulation qu’un gène nommé FOXP2 était muté, ce qui avait précipité sa nomination de gène de la parole. Ce qui n’a rien arrangé, ce fut la découverte que la version du chimpanzé de cette protéine n’avait que deux mutations par rapport à sa version humaine. Deux mutations pour un résultat si flagrant (nous pouvons parler, les chimpanzés non), c’était plus que nécessaire pour déclencher une (toute) petite tempête médiatique : on avait trouvé LE gène qui donnait la parole à l’homme, LE gène, LES mutations qui rendaient humain.

Il y a quelques temps, un certain Svante Pääbo (qui finira bien par avoir son Nobel un jour), généticien-archéologue de son état, avait découvert la version humaine de FOXP2 dans les premiers brouillons du génome de notre plus proche cousin (mais mort) Néandertal, ce qui avait relancé les discussions sur les capacités de Néandertal pour communiquer et formuler des sons comme vous et moi, mais qui permettait de dire que ces deux mutations qui séparaient la version humaine et du chimpanzé dataient d’au moins 200 000 ans. Plus récemment (cet été en fait), lui et son équipe avaient publié des résultats intéressants où ils prenaient la version humaine de FOXP2 et l’inséraient dans des embryons de souris pour voir le résultat sur des souris adultes. Les souris-humaines ainsi créées étaient un poil plus intelligentes que leurs consœurs non humanisées, pouvaient gémir différemment des autres et avaient des connexions neuronales un poil différentes.

Résultats très intéressants mais à la portée bien plus limitée que ce qu’on avait pu croire. Non, on n’avait pas prouvé que le gène humain permettait aux souris de parler. Il y a un monde entre gémir différemment et pouvoir commander sa baguette de pain le matin. On avait juste montré que FOXP2 avait un effet sur le cerveau. De plus, les souris et les hommes sont quelque peu éloignés dans la grande famille de la vie, bien plus que les chimpanzés et les hommes. Qui plus est, il restait à montrer quels étaient les changements biologiques précis causés par ces deux mutations dans la lignée humaine. Pour finir, l’expérience inverse n’avait pas été réalisée (et pour cause), insérer le gène du chimpanzé dans un embryon humain pour voir l’effet sur l’humain adulte.

C’est (presque) chose faite : des chercheurs de l’université de Los Angeles viennent de publier les résultats de leurs travaux dans la revue Nature ou ils ont inséré la version du chimpanzé de ce gène dans des cellules neuronales humaines et ont observé ce qu’il s’y passait, surtout au niveau de l’expression d’autres gènes. FOXP2 est un facteur de transcription, il active ou réprime, bref dirige l’expression de plusieurs gènes. Dans cette étude, les auteurs ont vu une différence d’expression de gènes entre les cellules humaines normales et les cellules humaines portant la version du chimpanzé. Ces résultats peuvent donc donner un aperçu de l’effet des deux mutations humaines. FOXP2 n’est pas un gène isolé mais faisant partie d’un réseau de différents gènes et les deux version de FOXP2 ne vont pas contrôler le réseau de la même manière, ce qui va provoquer des changement de grande importante, dans le langage et dans l’organisation du cerveau.

Ces résultats sont très intéressant et il est important de souligner deux choses. Les résultats obtenus pour FOXP2 ne sont pas uniques et absolus, d’autres réseaux de gènes peuvent également influencer l’évolution de cette chose très complexe qu’est le langage (et aussi le cerveau). Ces résultats montrent que chez l’homme, le langage n’est pas apparu par magie ni par l’opération du saint esprit mais a évolué à partir de quelque chose déjà existant avant. Le réseau de gène et FOXP2 existaient très probablement chez l’ancêtre du chimpanzé et de l’homme, les deux mutations dans la lignée humaine n’ont fait que modifier ce réseau, ce qui a eu pour conséquence que l’on peut maintenant s’exprimer plus distinctement sans avoir à montrer des dents menaçantes chaque fois que quelqu’un nous double dans la file d’attente du cinéma.

Konopka et al. Human-specific transcriptional regulation of CNS development genes by FOXP2. Nature (2009) vol. 462 (7270) pp. 213-7

(Billet original publié sur le blog “procrastinons un peu”)

À propos de l'auteur

Tom Roud

Blogger scientifique zombie